Lettre d'information | Décembre 2023
Chers amis de l’Ordre de la Libération,
L’année 2023 s’achève.
« Fierté, Courage, Espérance », c’est le message que le général de Gaulle adresse à nos compatriotes en décembre 1958, après son retour au pouvoir.
« Fierté, Courage, Espérance », ce message est toujours pertinent dans notre monde en désordre où urgence climatique, tensions internationales, conflits armés et frappes terroristes s’inscrivent sur la durée et pourraient pousser au fatalisme et à la soumission.
Fierté des racines profondes, nourricières et charnelles de notre « cher et vieux pays » dont d’aucuns voudraient nous couper.
Courage, ils en eurent pour libérer notre patrie et le puisèrent dans leur « force d’âme » une des quatre vertus cardinales. Ils nous disent que tout est possible avec du courage.
Espérance, alors qu’en juin 1940 pour reprendre les mots de Joseph Kessel, « la France est éblouie par son malheur », les Compagnons de la Libération ne désespérèrent jamais de la patrie. Ils furent les soldats de l’espérance. L’histoire leur donna raison.
Alors, « Fierté, Courage, Espérance », c’est notre viatique pour nous accompagner lors de notre traversée de 2024.
Ce sont les vœux que toute l’équipe de l’Ordre de la Libération vous adresse.
Bonne lecture.
La rédaction.
Rencontre avec Ludovic Abiven, directeur adjoint du musée de l’Armée
Le 11 décembre, le général Baptiste a reçu le nouveau directeur adjoint du musée de l’Armée, Ludovic Abiven. Ils ont échangé sur les liens qui unissent le musée de l’Armée et le musée de l’Ordre de la Libération.
Conseil d’administration du groupement d’intérêt public (GIP) « Mission du 80e anniversaire des débarquements, de la libération de la France et de la victoire »
Le 15 décembre, l’Ordre de la Libération a accueilli et participé au premier conseil d’administration du GIP « Mission du 80e anniversaire des débarquements, de la libération de la France et de la victoire » en tant que membre fondateur.
Conférence du général Baptiste au siège de l’entreprise Arquus
Le 19 décembre, monsieur Emmanuel Levacher, président d’Arquus, et le délégué national ont signé la convention de renouvèlement, pour trois ans, du mécénat soutenant financièrement les actions de l’Ordre de la Libération. A l’issue de la signature, le général Baptiste a donné une conférence sur le rôle social de l’Ordre de la Libération, incubateur d’Esprit de Défense, au profit des cadres du siège d’Arquus, leader européen des véhicules blindés.
Visite du général Philippe Debesse, délégué au patrimoine de l’armée de Terre
Le 20 décembre, le général Philippe Debesse, nouveau délégué au patrimoine de l’armée de Terre (DELPAT), a rendu visite au délégué national. Le DELPAT, lorsque le chef d’etat-major de l’armée de Terre est empêché, représente ce dernier comme administrateur au conseil de l’Ordre, 9 unités de l’armée de Terre étant "Compagnon de la Libération" à titre collectif. Pour mémoire, il y a 23 Compagnons à titre collectif, 5 communes et 18 unités militaires.
Don des souvenirs d'Edouard Corniglion Molinier
Madame Marie-Pierre Poulain et madame Anne-France Ligot ont fait don au musée de très importants documents et objets (notamment ses décorations et insignes) ayant appartenu au Compagnon Edouard Corniglion Molinier. Une partie de ces souvenirs sont présentés dans l’exposition temporaire « Un chevalier du ciel : Edouard Corniglion Molinier, Compagnon de la Libération 1898-1963 ». La remise a eu lieu à la chancellerie en présence de Lauren Singh et Kyra Singh deux arrière-petites-filles du Compagnon, de Laurie Chevreux amie de madame Poulain ainsi que monsieur Lionel Dardenne, commissaire de l'exposition, de monsieur Vladimir Trouplin conservateur du musée, de madame Margot Durand responsable de la régie des collections et des expositions et du délégué national.
Remise du prix Erwan Bergot à François Broche pour son ouvrage "Ils n'avaient pas 20 ans"
Ce prix littéraire de l'armée de terre récompense chaque année une œuvre grand public honorant un exemple d'engagement au service des valeurs de notre pays.
Cette année le prix est décerné à François Broche pour son ouvrage consacré aux jeunes dans la Résistance, Ils n'avaient pas 20 ans.
François Broche est un historien, spécialiste de la France libre et de la collaboration. Il est le fils du Compagnon de la Libération Félix Broche.
Retrouvez les discours prononcés lors de cette remise de prix dans la rubrique de l'association des familles de Compagnon de la Libération.
Cérémonie commémorative du 80e anniversaire de la rafle du 14 décembre 1943 à Nantua
Le 14 décembre 2023, le délégué national a participé aux cérémonies commémoratives du 80e anniversaire des événements tragiques de « la rafle » d’habitants et de lycéens de la ville de Nantua, commune médaillée de la Résistance française, effectuée par des soldats allemands. Le parcours mémoriel s’est recueilli aux endroits dramatiques de cette rafle : le parvis de l’église, le lycée, la maison du docteur Mercier, chef de l’Armée secrète, la gare de Nantua, lieu de l’embarquement pour la déportation.
Rencontre du délégué national avec les élèves.
A l’issue de ces cérémonies, le délégué national a rencontré les élèves de troisième et de seconde de Nantua, ainsi que certains de leurs professeurs ou parents, pour mettre en avant l’engagement de trois Compagnons et de deux médaillés de la Résistance, qui avaient leur âge en 1940. Le débat qui a suivi portait sur l’esprit de Défense de nos jours.
Conseil lecture : "La cavale des collabos" de François Broche
Août 1944. Paris est libéré. Le régime de Vichy s’effondre. Dans les rangs de la collaboration, c’est la débandade. Pour échapper à la répression, les uns choisissent l’exil intérieur ou invoquent des « services rendus à la Résistance », tandis que les autres s’enfuient dans une véritable ruée vers l’est en Allemagne, espérant que, grâce aux « armes secrètes », le Reich hitlérien finira par gagner la guerre. La victoire des Alliés met fin à cette illusion et donne le signal de la dispersion pour ceux qui vont devenir les « maudits » de l’après-guerre. Nombre d’entre eux entrent dans la clandestinité pour échapper à l’épuration, en attendant des jours meilleurs. Quand ils ne sont pas arrêtés, les collabos en fuite trouvent refuge en Suisse, en Italie, en Espagne, au Québec et en Argentine, où ils disposent de points de chute et d’appuis sûrs, et où ils s’efforcent de refaire leur vie en attendant l’amnistie. La plupart ne renieront pas leur engagement dans la collaboration et légueront à leurs enfants des noms parfois lourds à porter.
François Broche est historien, spécialiste de la France libre et de la collaboration. Il a notamment publié Dictionnaire de la Collaboration (2014), La Cathédrale des sables. Bir Hakeim, mai-juin 1942 (2016), Histoire de la Collaboration (avec Jean-François Muracciole, 2017) et Ils n’avaient pas 20 ans. La révolte des jeunes, 1940-1941 (2023).
Nouveau Monde Editions
24,90€
Parce qu’un musée d’histoire contemporaine est constitué d’objets qui témoignent que « l’histoire a eu lieu » mais également d’archives et de photographies sans lesquelles la contextualisation est impossible, parce que le musée de l’Ordre détient aussi dans ces domaines des collections d’une grande richesse, il nous a semblé intéressant d’élargir désormais à ces trois domaines la rubrique de « L’objet du mois », en laissant à ceux qui en ont la charge directe le soin de les choisir et de les commenter.
L'objet du mois par Lionel Dardenne, assistant de conservation
Cette vareuse a appartenu à Guy Vourc'h (1919-1988), médaillé de la Résistance française, et engagé dans la France libre en octobre 1940 après avoir quitté la Bretagne en bateau avec son frère Jean, futur Compagnon de la Libération. Il fut formé au Bataillon de chasseurs de la France libre à Camberley (Angleterre) et devint officier du 1er bataillon de fusiliers marins commandos du commandant Kieffer. Guy Vourc’h participe à tous les engagements du 1er BFMC et est blessé à Ouistreham lors du débarquement allié en Normandie le 6 juin 1944.
Taillée à Londres chez Sullivan, Williams & C°, en mai 1941 pour l'aspirant Vourc'h, cette vareuse porte les galons de capitaine argentés (et non dorés) typiques de la tradition des chasseurs.
L'archive du mois par Roxane Ritter, responsable des archives et de la bibliothèque
Fin 1939, la Grande-Bretagne décide de créer un service de renseignement et de propagande au Mexique. Au cours de l’hiver 1939-1940, la France met sur pied un service équivalent coordonné avec les Britanniques. Dès juin 1940, Jacques Soustelle, chargé de l’information, se rallie au général de Gaulle et reçoit de ce dernier l’ordre de rester au Mexique et d’y organiser un solide mouvement de soutien à la France libre. Jacques Soustelle entreprend donc dès l’été l’édification d’un Centre d’information et de propagande. Avec le soutien financier et moral de membres de la colonie française, le soutien logistique des Britanniques, et celui d’intellectuels mexicains, l’institution diffuse l’information de la France libre.
Grâce à un don de la SAMOL, le musée de l’Ordre de la Libération possède désormais une affiche du Centre d'information et de presse au Mexique de la République française d’une grande rareté. Réalisée à une date inconnue, cette affiche mexicaine porte la devise de la République française (Liberté, égalité fraternité en espagnol) et représente Marianne portant le bonnet phrygien et jouant du tambour sur un fond de drapeau à croix de Lorraine aux couleurs de la France. Cette affiche mexicaine vient rejoindre sa version française déjà présente dans les collections.
La photo du mois par Béatrice Parrain, responsable des collections photographiques
Jean-Pierre Delage-Toriel a fait don au musée de 142 photographies ayant appartenu à son père, Maurice Delage, Compagnon de la Libération, commandant le 13e bataillon du génie de la 2e division blindée en France en 1944-1945.
Parmi ces clichés, quelques-uns ont été pris à Kogenheim lors de la construction d’un pont sur l’Ill par le 13e bataillon du Génie dans le contexte de la dernière contre-offensive allemande sur le territoire français. Alors que la Wehrmacht détruit les passages pour ralentir l’avancée des Alliés, les sapeurs de la 2e DB doivent rétablir le passage des troupes en construisant des ponts flottants sur la rivière.
Les visites de décembre au musée
En ce mois de décembre, le service des publics a reçu une vingtaine de groupes découvrant pour les uns les collections permanentes et pour d’autres des ateliers comme « Photographier la guerre » avec l’ECPAD ou encore la visite sur le thème du Concours national de la Résistance et de la Déportation (« Résister à la déportation »).
Ce mois-ci nous vous proposons un point particulier sur la visite consacrée à « L’engagement des femmes dans la Résistance » proposée à des membres de l’association Accorderie de Paris Sud
Cette association, dont la mission est de combattre la pauvreté et l’isolement social, a accompagné au musée un groupe de seniors isolés pour une visite centrée sur les résistantes. Les visiteurs ont été particulièrement sensibles au parcours de vie de Berty Albrecht et Émilienne Moreau-Evrard et, concernant la déportation, une des participantes nous a confié : « Ce qui me touche c’est de voir la puissance de vie au plus fort de la détresse et la solidarité entre les personnes qui permet de tenir malgré tout. »
L’application « Au temps des héros » disponible sur l’Appstore et le Play store pour les visiteurs individuels en visite libre
L’outil de médiation numérique de type serious game intitulé « Au temps des Héros », disponible sur tablette pour le public scolaire encadré, est désormais téléchargeable via l’Appstore ou le Play Store. Le public en visite libre, et notamment les familles avec enfants, pourront l’installer gratuitement sur leurs smartphones. Sur Play Store, l’application est accompagnée du badge "Approuvé par les enseignants", qui garantit aux parents qu'il s'agit d’un jeu sérieux de qualité destiné aux enfants. Les enseignants précisent qu’elle est parfaitement adaptée pour des enfants de 9 à 12 ans, qu’elle « attise la curiosité et stimule l’apprentissage ».
Retour sur la soirée culturelle : « L'épopée du Normandie-Niemen. Des Français libres sur le front de l'Est 1942-1945 »
Stéphane Simonnet, docteur en histoire, chercheur associé à l'université de Caen et membre du Conseil scientifique de la Fondation de la France libre a présenté son ouvrage L'épopée du Normandie-Niemen. Des Français libres sur le front de l'Est 1942-1945 à un public nombreux et très intéressé.
Pour ceux qui n'ont pas pu assister à la conférence vous pouvez la visionner sur notre chaine YouTube.
L’exposition « Résister » au Cercle des anciens combattants de Courbevoie
A l’initiative de madame Georges, conseillère municipale de Courbevoie, la délégation des Hauts-de-Seine de la Fondation de la France libre a présenté l’exposition itinérante « Résister », portant sur l’engagement des Compagnons de la Libération, au Cercle des anciens combattants de Courbevoie. Fille du Compagnon de la Libération Jacques Bourdis, madame Lecoeur – Bourdis était présente lors de cet événement.
Prise d’armement du patrouilleur outre-mer Auguste Techer
La Marine française s’engage depuis plusieurs années à commémorer la mémoire des Compagnons de la Libération, notamment par le nommage de la nouvelle classe de patrouilleurs d’outre-mer.
La prise d’armement pour essais du patrouilleur outre-mer Auguste Techer a eu lieu le 1 décembre à Brest, présidée par le contre-amiral Guillaume Arnoux. Le capitaine de corvette Gurvan Le Hay a été nommé premier commandant et s’est vu confier le fanion de l’unité.
Le commandant Gurvan Le Hay a remis le 6 octobre au musée la tape de bouche du patrouilleur d’outre-mer Auguste Techer qui fait partie de la classe Félix Eboué.
La rafle du 14 décembre 1943 à Nantua
Depuis l’été 1943, à Nantua et dans ses environs, les actions des maquisards se multiplient, ce qui exaspère l’occupant et les forces vichystes. La rafle de Nantua du 14 décembre 1943 reste dans l'histoire du département de l'Ain comme l'une de ses plus grandes tragédies. Par cette répression aveugle, les Allemands veulent terroriser les populations civiles et les empêcher ainsi d'aider les résistants.
Son bilan est lourd : 150 habitants sont dirigés en train vers Bourg-en-Bresse puis Compiègne. A l'exception d'une trentaine qui parviennent à s’évader du train, cent seize Nantuatiens partent pour les camps de concentration nazis. Quatre-vingt-quinze n’en reviendront pas.
A ces déportations s’ajoutent des exécutions sommaires dont celles du docteur Emile Mercier, chef de la Résistance de Nantua, du maire démissionnaire d'Oyonnax, Paul Maréchal, et du maire par intérim, Auguste Sonthonnax.
Considérée comme l’un des principaux centres des maquis de l’Ain, la ville de Nantua s’est vue décernée la médaille de la Résistance française par décret du 16 janvier 1947.
Visite de l'exposition "Un chevalier du ciel, Edouard Corniglion-Molinier 1898-1963" pour la SAMOL
La société des amis du musée de l’Ordre de la Libération a organisé, pour ses adhérents, une visite de l'exposition « Un chevalier du ciel, Edouard Corniglion-Molinier 1898-1963 ».
Cette exposition, qui se tient actuellement au musée de l’Ordre de la Libération jusqu’au 4 février 2024, revisite, pour les 60 ans de sa disparition, le parcours surprenant d’un Compagnon de la Libération quasiment inconnu du grand public.
Commentée avec passion par Lionel Dardenne, commissaire de l’exposition, celle-ci nous fait découvrir, notamment à travers quelques anecdotes savoureuses, un personnage aux multiples facettes, tour à tour pilote de chasse, journaliste, combattant des deux guerres mondiales, aventurier, cinéaste, ministre ... Et bien sûr, Compagnon de la Libération !
Il sera d’ailleurs parmi les pionniers à s’engager dans la Résistance, tout en se distinguant par sa personnalité et son destin placé sous le signe de l’aviation.
Remise du prix Erwan Bergot à François Broche pour son ouvrage « Ils n’avaient pas 20 ans »
Le 28e lauréat du Prix Erwan Bergot de l’armée de Terre est l’historien François Broche, fils du Compagnon Félix Broche, président d’honneur de l’association des familles de Compagnon de la Libération, vice-président de la société des amis du musée de l’Ordre, auteur de l’ouvrage Ils n’avaient pas 20, la révolte des jeunes (Tallandier). Le jury présidé par le général d’armée Pierre Schill, CEMAT, comprend notamment les généraux Gilles Haberey, adjoint du CEMAT, et Jean Maurin, ancien commandant de la Légion étrangère, l’académicien Andréi Makine, ancien lauréat, Guillemette de Sairigné, ancienne lauréate, l’historien Arnaud Teyssier, président du conseil scientifique de la Fondation Charles de Gaulle, ainsi que les journalistes Christine Clerc, Jean-René Van der Plaetsen et Etienne de Montéty.
Après l’allocution de bienvenue du général Schill, le général Haberey a prononcé l’éloge du lauréat avant de conclure : « Votre magnifique hommage à ces paladins de 20 ans redonne vie, par la grâce de votre plume, à ces parcours à la fois simples et lumineux, qui nous inspirent et nous obligent. » Dans sa réponse, François Broche a rappelé les motivations de ces jeunes gens qui s’engageaient parce qu’à l’image d’Henri Ecochard, ils ne voulaient pas devenir « les esclaves du fou qui avait écrit Mein Kampf », mais aucun d’eux n’aspirait au statut de héros : « J’ai fait ce que j’avais à faire, rien de plus », disait Anne-Marie Tregouët. Il a également insisté sur le rôle essentiel des résistantes : « De nos jours, la parité doit être imposée aux récalcitrants ; dans la Résistance elle s’imposait tout naturellement. »
Mon général, messieurs les officiers généraux, mesdames et messieurs les membres du jury, chers invités, en vos grades et qualités,
c’est avec une grande joie que je m’adresse ici devant vous afin de nous inviter à partager quelque temps autour d’un livre, votre livre monsieur Broche, qui, je le dis d’emblée, nous a conquis par la lumière qu’il dégage, page après page.
Votre parcours personnel, votre oeuvre considérable, ne pouvait pas mieux, à mon sens, se résumer dans cet ouvrage qui se veut tout autant un témoignage qu’un appel à comprendre et à partager.
Ces dix-huit récits de parcours individuels ou collectifs plongés au coeur de temps particulièrement sombres, renvoient à des ressorts intimes qui nous interpellent autant qu’ils nous questionnent.
Comme l’écrit Joseph Kessel dans l’armée des ombres, « Ces gens auraient pu se tenir tranquilles. Rien ne les forçait à l’action. La sagesse, le bon sens leur conseillait de manger et de dormir à l’ombre des baïonnettes allemandes et de voir fructifier leurs affaires, sourire leurs femmes, grandir leurs enfants. Les biens matériels et les liens de la tendresse étroite leur étaient ainsi assurés. Ils avaient même, pour apaiser et bercer leur conscience, la bénédiction du vieillard de Vichy. Vraiment, rien ne les forçait au combat, rien que leur âme libre ».
Ces dix-huit jeunes, et il y en a eu tant d’autres, ont décidé de refuser de tourner la tête ou de fermer les yeux. Ce qui me frappe dans leurs destins est à la fois la simplicité, oserais-je dire l’insouciance, mais également la radicalité de leur engagement. Ces jeunes décident, à un moment de leur vie naissante, de mettre leur existence au bout de leurs convictions politiques, humanistes, religieuses ou familiales. Parfois d’ailleurs, nous cherchons à deviner pourquoi ces enfants font ce pas en avant alors que d’autres restent assis, poussent cette porte que d’autres laissent fermée.
La réponse nous est donnée dans votre introduction : « A l’éternelle question des temps de crise (que faire ?), la réponse des premiers résistants surgissait comme une évidence : il faut faire quelque chose ! ».
Alors Louis, Léon, Madeleine et les autres deviennent porteurs de messages ou de tracts, passeurs de postes radio, agents de renseignement, accompagnateurs de pilotes alliés, parfois même prennent-ils les armes. Bref, tout ce qu’on ne fait pas à cet âge qui ne fut pas tout à fait, pour eux, celui de l’insouciance et des plaisirs, mais aussi celui des combats.
Ces terroristes, ainsi que les appelaient les agents de la Gestapo, et même ne l’oublions pas certains Français, ces combattants de la liberté, refusaient l’inacceptable. Plutôt que de considérer l’existence comme une durée à protéger, ils l’avaient intimement liée à une direction et un sens. Ils l’ont parfois payé chèrement en subissant des arrestations, l’emprisonnement, la déportation, parfois la torture ou la mort. Ne l’oublions pas, le plus jeune compagnon de la Libération, Mathurin, est fusillé en février1944, à l’âge de 14 ans.
Etaient-ils pour autant inconscients ? Je ne le pense pas. Pour reprendre les propos d’Andréi Makine, éminent membre du jury, dans son magnifique ouvrage le pays du lieutenant Schreiber, « Je n’aurais jamais imaginé un destin aussi généreusement ouvert sur le sens de la vie. Une existence où se sont incarnés la fidélité et le courage, l’intense volupté d’être et la douleur, la révolte et la sérénité ».
Ces jeunes voulaient, tout simplement, magnifiquement, profondément, être les maîtres de leur destin. Plongés dans des situations d’exception, ils sont des exemples non pas éthérés, mais charnels qui, sans moralisme creux ni paroles inutiles, ont lié la pensée à l’action : de toute évidence, Anise, Odile, Pierre ou Jeanine avaient déjà une forme de nostalgie de l’honneur. Ils savaient, aux portes du monde des adultes, qu’il y aurait des lendemains de guerre et qu’il fallait Espérer pour la France en joignant dans une belle communion physique et spirituelle, corps et âme.
Avec votre style tout à la fois fait d’élégance et de retenue, comme si vous vous cachiez discrètement derrière ces parcours admirables pour mieux en révéler les contours, vous avez, M. François Broche, fait oeuvre de mémoire tout autant que d’histoire.
Votre démarche d’écriture et de témoignage prend un relief si particulier en ce cycle de commémoration de la Libération de la France par la mer, par les airs ou de l’intérieur. Cette mémoire, que nous devons collectivement partager, s’inscrit autour de trois verbes et non trois substantifs, car il ne s’agit pas de décrire, mais de se placer, encore et toujours, dans le temps de l’action :
- se souvenir, car cette image du courage semble déjà fort lointaine à nombre de nos concitoyens. Si Colette poursuit la fin de sa route en continuant de témoigner, Anne Marie et ses camarades nous ont déjà quitté. Cette génération va bientôt passer. Elle ne doit pas être oubliée car nous lui devons une profonde et éternelle reconnaissance. Qu’ils se soient battus dans nos villes et nos campagnes ou pour défendre une cathédrale dans les sables de Bir-Hakeim, franchissant la Manche ou le Pacifique pour, déjà, mettre leur vie au service d’une certaine idée de la France, ces jeunes et moins jeunes représentaient le meilleur de notre pays ;
- honorer, car ces personnalités à l’aube de leur vie, à l’image de ces Femmes combattantes que nous mettions au premier plan l’an dernier, nous renvoient à nos propres engagements. A une époque où il faut s’ériger en victime pour avoir l’impression d’exister, dans des temps où certains croient faire oeuvre de grandeur en s’offusquant des malheurs du monde dans des émissions de télévision ou sur des réseaux sociaux en ne prenant que le risque de l’outrance et du ridicule, Jacqueline, Henri, Lazare sont, osons enfin le mot, des héros en vérité quoiqu’ils aient pu en dire, humbles, mais tellement admirables dans le don gratuit de leur être ;
- transmettre, enfin, la force du lien qui associe le sacrifice et le sacré. De génération en génération, notre riche histoire militaire en témoigne, la jeunesse de France sait se lever lorsque cela est nécessaire, si tant est qu’on veuille prendre le soin de partager avec elle ce qui nous rassemble plutôt que ce qui nous divise. Cette conviction qui est la mienne, qui est la nôtre, pourra, sans doute, faire sourire les sceptiques comparativement à la représentation qu’ils se font de la nature humaine et du lien social aujourd’hui. Je les plains, car ils ne savent pas combien le combat pour l’essentiel est une expérience dans laquelle la justice et la vérité font de l’action une ascension. Qu’ils sachent qu’il y aura toujours des Circassiennes pour tomber amoureuses de la France et la servir, il aura toujours des combattants du huitième soir pour défendre des valeurs par-delà nos frontières, il aura toujours des pilotes de combat pour que nous puissions regarder sans crainte le bleu du ciel, il y aura toujours des hommes et des femmes qui sauront puiser dans l’exemple de leurs Anciens les ressorts secrets pour mieux servir notre pays. A vrai dire, ils existent déjà. Mieux, nous les croisons tous les jours. Ils sont jeunes de leur dévouement et d’un sens du collectif qui les transcendent : ils sont militaires pompiers, sportifs, médecins ou instituteurs. Parfois même, ils sont écrivains.
Monsieur François Broche, votre magnifique hommage à ces paladins de 20 ans redonne vie, par la grâce de votre plume, à ces parcours à la fois simples et lumineux qui nous inspirent et nous obligent.
La lecture de votre ouvrage a été pour nous, sachez-le, un moment de profonde émotion.
Soyez-en remercié.
Paris, le 14 décembre 2023
Général de brigade Gilles Haberey
PRIX ERWAN BERGOT – 14 décembre 2023
Je vous remercie, mon Général.
Je voudrais remercier également mon éditeur, Xavier de Bartillat, qui doit en être à son cinquième ou sixième prix Erwan Bergot.
*
Dans la dédicace de son grand récit de la bataille de Bir Hakeim à mon fils, Thomas, alors âgé de 10 ans, Erwan Bergot évoquait « le souvenir du colonel Félix Broche, son grand-père, tué à Bir Hakeim le 9 juin 1942 et de tous ceux qui, comme lui, ont accepté de mourir pour que les jeunes des générations futures puissent vivre dans l’honneur, dans la liberté et dans la paix ».
Mon père était un officier de carrière. Comme tous les militaires de carrière, il savait que la mort faisait partie du contrat. Et il l’acceptait.
Ce fatalisme était partagé par les jeunes résistants dont je me suis efforcé de retracer l’action. Mais eux ne signaient aucun contrat.
Ils s’engageaient parce qu’ils refusaient la défaite, parce qu’à l’image d’Henri Ecochard, alors âgé de 17 ans, ils ne voulaient pas devenir les « esclaves du fou qui avait écrit Mein Kampf » ; comme Daniel Cordier, qui avait 19 ans, ils voulaient « devenir par la guerre des hommes à part entière » ; comme Robert Galley, qui avait lui aussi 19 ans, « il fallait à tout prix continuer la lutte, même si elle paraissait désespérée » ; comme Simone Segouin, qui avait 15 ans, ils n’avaient « peur de rien » ; comme Odile de Vasselot, qui en avait 18, ils pensaient que le danger était « quelque chose d’un peu abstrait ».
J’ai souhaité maintenir une relative parité entre les garçons et les filles car les résistantes ont très souvent été en première ligne contre l’occupant et elles ont eu un rôle essentiel dans « l’armée des ombres » : secrétaires, agents de liaison, agents de renseignement, responsables de l’accueil des clandestins et de leur hébergement, organisation de filières d’évasion… Il leur arrivait même d’accomplir l’acte suprême : abattre un Allemand, comme le fit Madeleine Riffaud le 23 juillet 1944 sur le pont de Solferino.
De nos jours, la parité doit être imposée aux récalcitrants ; dans la Résistance, elle s’installait tout naturellement.
*
Ce qui frappe chez eux, chez elles, ce n’est pas seulement la volonté de ne pas penser au danger – ce que l’on pourrait, à la légère, taxer d’inconscience – c’est également et surtout le courage d’assumer les risques. « Nous nous sentions invulnérables comme les supermen de Tarzan ou de Mickey », confie Jean-Paul Lavoix, alors âgé de 16 ans, l’un des cinq lycéens de Port-Mahon qui ont traversé la Manche en canoë. « La vie sera belle. Nous partons en chantant », écrit à ses parents Pierre Benoit l’un des cinq martyrs du lycée Buffon avant d’être fusillé au stand de tir de Balard - il n’a pas 18 ans. « Je meurs heureux car j’aurai au moins servi à quelque chose », écrit modestement l’aviateur Jean Maridor avant de se faire exploser contre un V1 qui a pris pour cible un hôpital anglais. Il avait 19 ans lorsqu’il s’était engagé dans les Forces aériennes françaises libres et 23 lors de son ultime mission.
Il me semble que l’on n’insiste pas assez sur l’importance du bonheur chez les résistants, y compris chez ceux qui ont accepté de mourir pour les hautes valeurs citées par Erwan Bergot.
Paul-Marie de la Gorce, engagé dans la Résistance à 14 ans, parle de « l’étrange bonheur de faire ce qu’au plus profond de nous-mêmes on avait décidé ». Brigitte Friang, entrée au Bureau des opérations aériennes à 19 ans, évoque « la gaieté enfantine de ses camarades ». « Que les Français soient heureux, voilà l’essentiel. Dans la vie, il faut savoir cueillir le bonheur », écrit Henri Fertet dans sa dernière lettre avant d’être fusillé à la Citadelle de Besançon, à 16 ans et 9 mois. L’aspirant Philippe Fauquet, engagé dans la France libre à 18 ans dès juin 1940, héros de la guerre du désert en 1942, confie : « J’ai trop besoin d’être heureux pour accepter un bonheur éphémère. » Et je revois et j’entends encore mon cher Louis Cortot expliquer à de jeunes élèves de la classe de Troisième éberlués : « On faisait sauter les écluses et les voies de chemin de fer ! » Il n’avait pas 20 ans en 1944. Son visage s’illuminait ; il parlait de cette période comme de grandes vacances où une poignée de garnements se livraient à toutes sortes d’incartades sans souci des conséquences.
Aucun de ces garçons, aucune de ces filles n’aspirait au statut de héros ou d’héroïne : « J’ai fait ce que j’avais à faire, rien de plus », disait Anne-Marie Tregouët, entrée en Résistance à 19 ans du côté de Ploërmel. On ne saurait donner définition plus juste, plus sobre, du courage, de l’abnégation, en un mot : du devoir. Mais d’un devoir qui n’était pas imposé, car Français libres et résistants de l’intérieur étaient tous volontaires. Ce qui expliquait que, lorsqu’il les recevait ou qu’il s’adressait à eux, le général de Gaulle s’abstenait de les remercier ou de les féliciter, puisqu’ils n’avaient fait que leur devoir.
Pour ma part, je me suis toujours efforcé de faire le mien en pensant à ce qu’écrivait mon père quelques mois avant sa mort : « Que mes fils ne soient pas des veules et que l’exemple de ce que j’ai fait leur soit une règle de vie. »
C’est, bien sûr, à sa mémoire que je dédie la distinction et la reconnaissance dont vous m’honorez aujourd’hui.
Remise du prix littéraire de la résistance CAR- Souvenir français 2023
Le prix littéraire de la Résistance CAR – Souvenir français 2023 a été décerné à Pierre Servent pour son ouvrage Les sept vies d’Adrien Conus (Perrin, 2022). Deux mentions ont été attribuées à Robert Mencherini et Ann Blanchet pour leur livre Berty Albrecht : De Marseille au Mont-Valérien, une féministe dans la Résistance (Gaussen Editions) et à Vianney Bollier pour la biographie André Bollier, « Vélin » Artisan héroïque des journaux clandestins (1920-1944) aux éditions du Félin.
Pour pérenniser et accroitre l'audience de ce prix littéraire, l’Ordre de la Libération et le Souvenir français ont décidé de se rapprocher et de signer une convention de partenariat. Le prix deviendra donc, à partir de 2024, le prix littéraire de la Résistance – CAR - Souvenir Français – Ordre de la Libération.
Retrouvez la programmation de la rentrée 2024 :
Exposition temporaire : « Un chevalier du ciel. Edouard Corniglion Molinier 1898-1963 »
Découvrez, jusqu’au 4 février 2024, le parcours d’Edouard Corniglion Molinier à travers l’exposition « Un chevalier du ciel. Edouard Corniglion-Molinier, Compagnon de la Libération 1898-1963 » présentée au musée de l’Ordre de la Libération.
Pour en savoir plus sur l'exposition cliquez-ici
L’escape game « L’armée des ombres »
Ce jeu immersif dont l’objectif est de venir en aide à quatre résistants répartis aux quatre coins de l’Europe et de l’Afrique est proposé une fois par mois, en soirée, au public individuel.
Ne manquez pas les prochaines dates : le 7 février, le 13 mars, le 11 avril, le 21 mai et le 25 juin à 18h45.
Si vous souhaitez plus d’informations ou vous inscrire, cliquez-ici
Soirée culturelle du 18 janvier : « Les Compagnons de la Libération écrivains »
Dans le cadre des régulières soirées des Amis du musée de l’Ordre de la Libération, François Broche, historien de la Seconde Guerre mondiale, et Alfred Gilder, secrétaire général de l'association des Ecrivains combattants, présenteront, le jeudi 18 janvier à 19h au musée de l'Ordre de la Libération, l’ouvrage collectif Les Compagnons de la Libération écrivains qu'ils ont codirigé. La conférence sera suivie d'une séance de dédicace.
Si vous souhaitez assister à la conférence en présentiel, l'inscription est obligatoire !
POUR S'INSCRIRE CLIQUEZ-ICI
Pour ceux qui souhaitent suivre la conférence à distance :
- Sur Youtube en live : en vous rendant sur la chaine Youtube de l’Ordre pour suivre la conférence en direct : https://www.youtube.com/@ordredelaliberation8775
(Il n'est pas nécessaire d'avoir un compte sur Youtube pour suivre la conférence)
Soirée culturelle du 8 février : « Rino della Negra : Footballeur, résistant, mort pour la France »
Le 8 février, Jean Vigreux, professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Bourgogne Franche-Comté et Dimitri Manessis, docteur en histoire, présenteront le parcours de Rino Della Negra, footballeur professionnel et membre des FTP-MOI, fusillé au Mont-Valérien avec le groupe Manouchian.
Si vous souhaitez assister à la conférence en présentiel, l'inscription est obligatoire !
POUR VOUS INSCRIRE CLIQUEZ-ICI
Pour ceux qui souhaitent suivre la conférence à distance :
- Sur Youtube en live : en vous rendant sur la chaine Youtube de l’Ordre pour suivre la conférence en direct : https://www.youtube.com/@ordredelaliberation8775
(Il n'est pas nécessaire d'avoir un compte sur Youtube pour suivre la conférence)
Soirée culturelle du 7 mars : "Ecrits de combats de Philippe Leclerc de Hauteclocque"
Le 7 mars 2024, dans le cadre des soirées culturelles du musée, les historiens Christine Levisse-Touzé et Julien Toureille donneront une conférence sur les écrits de combat du général Leclerc dont il viennent d’assurer l’édition critique chez Sorbonne Université Presses.
Cette conférence sera suivie d'une dédicace de l'ouvrage.
Si vous souhaitez assister à la conférence en présentiel, l'inscription est obligatoire !
POUR VOUS INSCRIRE CLIQUEZ-ICI
Pour ceux qui souhaitent suivre la conférence à distance :
- Sur Youtube en live : en vous rendant sur la chaine Youtube de l’Ordre pour suivre la conférence en direct : https://www.youtube.com/@ordredelaliberation8775
(Il n'est pas nécessaire d'avoir un compte sur Youtube pour suivre la conférence)
Visite théâtralisée « mémoires vives »
Les comédiens vous conduisent à travers le musée. Ils incarnent tour à tour de grandes figures de la Résistance, connues et inconnues.
Laissez-vous conduire dans le musée par cinq grandes figures de la Seconde Guerre mondiale. Vous serez plongés dans la clandestinité de la Résistance intérieure et le poids du système concentrationnaire mais aussi dans l’aventure incroyable des combats en Afrique et de la libération de la France. Ces exemples de courage et de bravoure sont à découvrir en famille, à partir de 8 ans.
Ce spectacle est co-écrit par Xavier Depoix, Nicolas Dereatti et Ambre Kuropatwa de la compagnie Ankréation.
Ne manquez pas les prochaines dates : le 14 janvier, le 11 février, le 24 mars, le 7 avril, le 18 mai, le 9 juin.
Visite gratuite sur inscription uniquement !
Pour en savoir plus et vous inscrire, cliquez-ici