Île de Sein
L’Île de Sein reçoit la croix de la Libération le 1er janvier 1946. En juin 1940, la quasi-totalité des hommes en âge de combattre choisit de partir rejoindre les Forces Françaises Libres en Angleterre.
Située en Bretagne, au large de la Pointe du Raz, la petite Ile de Sein (56 hectares) comprend 1 400 habitants en septembre 1939. Une grande partie des hommes sont mobilisés alors qu'une petite garnison d'une vingtaine d'hommes y prend place.
En juin 1940, en plus des combats aériens qui se déroulent au-dessus de leurs têtes, les informations parviennent aux Sénans par les bateaux qui accostent ou par les rares postes de TSF à accus et à galènes qui se trouvent sur l'Ile sur laquelle il n'y a pas l'électricité.
C'est ainsi que sont connues, le 19, la prise de Rennes et l'évacuation de Brest. Le jour même, l'Ar Zénith, qui assure deux fois par semaine le transport de passagers, de marchandises et du courrier entre Audierne et l'Ile de Sein, fait escale sur l'Ile. Il a à son bord une centaine de militaires dont des chasseurs alpins, des jeunes gens d'Audierne et du matériel de guerre qu'il doit emmener à Ouessant. Vers 19H00, il repart avec exclusivement les militaires, accompagné de la Velléda, ravitailleur des phares, qui a pris en charge les civils et les iliens. En réalité l'Ar Zénith, après escale à Ouessant, traverse la Manche sur ordre des autorités militaires et gagne Plymouth ; les quatre membres de son équipage sont les premiers habitants de l'Ile à partir vers l'Angleterre.
Le retour de la Velléda le lendemain informe les Sénans de la situation. Le 21 juin, la garnison quitte Sein. Prévenus qu'un général français doit parler à la radio de Londres, quelques dizaines d'iliens, réunis autour d'un des postes de TSF, entendent le discours du général de Gaulle le 22 juin. Fortement impressionné, chacun retourne chez soi alors que des avions bombardent des cargos qui passent au large.
Le 24 juin, le maire fait afficher qu'un avis, reçu d'Audierne par téléphone, ordonne aux militaires de se rendre aux autorités allemandes d'Audierne. Réagissant à cette menace d'être fait prisonnier, Jean-Marie Porsmoguer et Prosper Couillandre prennent sur eux d'armer leurs bateaux, respectivement la Velléda et le Rouanez-ar-Mor. A 21 heures, les deux navires sont pleins, chargés d'hommes en âge de combattre.
Le 25 juin, un bateau de l'Ile se rend sur le continent où une affiche annonce que tous les hommes de 18 à 60 ans doivent se tenir à la disposition des troupes d'occupation. Nouvelle menace et nouvelle réaction : le lendemain, deux nouveaux bateaux, le Rouanez-ar-Péoc'h de François Fouquet et le Maris Stella de Martin Guilcher partent à leur tour. Le Corbeau des mers de Pierre Couillandre avec ses passagers les suit de peu. Comme la veille, le maire et le recteur (curé) encadrent ces départs et les plus jeunes (quinze ans ou moins) n'ont pas le droit de partir.
Ainsi, du 24 au 26 juin, 114 îliens, que la mobilisation avait écartés à cause de leur âge ou de leurs charges de famille, partent de Sein. Plus tard, d'autres rejoindront l'Angleterre par divers moyens. Au total, 128 Sénans quitteront l'Ile pour la Grande-Bretagne ; le plus âgé a alors 54 ans et le plus jeune 14. Début juillet, ceux qui ont rejoint l'Angleterre sont regroupés, avec trois cents autres volontaires, à l'Olympia Hall, à Londres, où le général de Gaulle les passe en revue. Serrant la main à chacun, qu'il interroge sur son origine, le chef des Français libres, extrêmement surpris du nombre de Sénans présents dans l'assistance, aurait alors dit : « l'Ile de Sein, c'est donc le quart de la France ! ».
Les Sénans reçoivent ensuite diverses affectations, en fonction de leur âge et de leurs spécialités, la plupart étant admis dans les Forces navales françaises libres et servant dans un premier temps sur le Courbet. Les plus âgés sont ensuite affectés au Service des pêches de Penzance ou dans la marine marchande de la France libre et participent au ravitaillement de l'Angleterre. Vingt-deux d'entre eux sont morts pour la France.
Les Allemands arrivent sur l'Ile dès le début de juillet 1940 avant d'y affecter une petite garnison d'infanterie et la douane maritime (GAST) qui exerce son contrôle sur les bateaux de pêche. Ils y installent également des mines et des barbelés. Une sévère réglementation est appliquée concernant la circulation tant sur mer que dans l'Ile où ceux qui obtiennent un laissez-passer et l'autorisation temporaire de la quitter laissent leur famille comme garant de leur retour.
Les Sénans, majoritairement des femmes, des enfants et des vieillards, sont surtout soumis à des conditions matérielles très difficiles en raison du départ des hommes et donc de la disparition des revenus et produits de la pêche. Pendant toute la durée de l'occupation, la malnutrition touche la population – évaluée à 273 habitants d'après un recensement de 1943- qui fait preuve d'une grande solidarité.
Le recteur de Sein met ainsi en place une cantine scolaire pour les garçons dont les pères ont rejoint l'Angleterre. De son côté, le maire, Louis Guilcher, interlocuteur obligé de l'occupant, essaie comme il le peut d'améliorer le sort de ses concitoyens.
L'Île a alors comme unique revenu le produit de la vente de sel. Le 1er mai 1943, fidèles aux traditions de sauveteurs des Sénans, les marins du sloop Pax Vobis, assistant à un combat aérien au-dessus d'Ouessant, viennent en aide à trois aviateurs d'un bombardier américain tombé en mer, les recueillent et les ramènent sur l'Île de Sein. Exemple unique, un avion de reconnaissance allemand se pose sur Sein pour ramener sur le continent un des trois blessés jugé intransportable par bateau.
Finalement, la libération à lieu le 4 août 1944 avec le départ de la garnison allemande qui, avant son évacuation, détruit à l'explosif le phare de l'Ile. Le 30 août 1946, le général de Gaulle se rend sur l'Île et lui remet la croix de la Libération à l'occasion d'une cérémonie simple et émouvante.
Président de la République, il y retourne une seconde fois, le 7 septembre 1960, pour inaugurer le monument aux Forces françaises libres qui porte la devise en breton "Kentoc'h Mervel" (plutôt mourir) et la citation "Le soldat qui ne se reconnaît pas vaincu a toujours raison." L'Île de Sein est la commune française la plus décorée au titre de la Seconde Guerre mondiale.
- Compagnon de la Libération – décret du 1er janvier 1946
- Croix de Guerre 39/45
- Médaille de la Résistance avec rosette
Le général de Gaulle ne fait pas de discours à l'occasion de la remise de la croix de la Libération à l'Ile de Sein mais il s'adresse spontanément aux Sénans à deux reprises.
« Il y aura toujours, maintenant, en France des gens qui penseront à l'île de Sein. La France entière saura qu'il y avait sur l'océan une bonne et courageuse île bretonne dont l'exemple magnifique deviendra légendaire et les enfants apprendront dans leurs livres d'histoire l'action héroïque d'une bonne et courageuse île française » puis, à la foule, après remise de la croix, « La France, vous l'avez sauvée. Il ne faut pas qu'on l'oublie. La France se relève tout doucement. Elle est immortelle, elle nous enterrera tous. »
« Devant l'invasion ennemie, s'est refusée à abandonner le champ de bataille qui était le sien : la mer. A envoyé tous ses enfants au combat sous le pavillon de la France Libre devenant ainsi l'exemple et le symbole de la Bretagne tout entière. » ('Ile de Sein, Compagnon de la Libération par décret du 1er janvier 1946)